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AMA DABLAM : Une des plus belles montagnes vouée à une mort certaine

Ama Dablam est l'une des plus belles montagnes du Népal et cette montagne se voit mourir par l'insouciance de l'homme. Tous les éléments sont en place pour une tragédie et personne n'y fait rien. Des morts sont à venir et la pollution, non seulement commencée, est désormais un fléau. Plusieurs cordes sont installées pour faire monter un plus grand nombre de gens, mais le gouvernement népalais devrait songer sérieusement à protéger l'environnement de ce joyau et restreindre le nombre de permis.

L’une des plus belles montagnes de la planète est en péril. Celle qui était jusqu’à tout récemment réservée aux grimpeurs techniques est maintenant accessible aux touristes. Si vous pensez que l’Everest est achalandé, attendez de voir ce qui se passe sur l’Ama Dablam. Si rien n’est fait, cette beauté sera morte dans cinq ans.

Depuis 2000, je suis allé au Népal à neuf reprises. Chaque fois, je me suis retrouvé à un endroit où je pouvais observer cette majestueuse montagne qu’est l’Ama Dablam. La Dame au Collier, haute de ses 6 856 mètres, attire les flashs des appareils photo et attise les rêves. Je m’étais promis qu’un jour, je viendrais la visiter. En novembre dernier, ce jour est arrivé. Avec deux amis, notre idée d’une expédition alpine longeant l’arête sud-ouest a pris forme. Cela voulait dire que l’équipe se limitait à nous trois, aucun sherpa, aucun porteur pour cette ascension, aucune utilisation de cordes fixes utilisées par les touristes. Nous aurons tout notre matériel pour être indépendant : cordes, vis à glace, protections pour escalade de rocher, piolets techniques, tentes, réchauds, etc.

Le trek d’acclimatation nous a amenés sur le sentier menant à l’Everest. Chacun montait avec son sac à dos, une charge d’environ 24 kilos. La balance du matos non nécessaire sur le trek, soit 60 kilos de matériel d’escalade et de bouffe, a été envoyée directement au camp de base d’Ama Dablam.

Une fois arrivés au camp de base (4 600 m), on constate que plusieurs équipes sont présentes. Étant près de la fin de la saison, nous anticipions beaucoup moins de gens. En fait, après avoir fait le tour du camp de base, nous arrivons à la conclusion qu’il n’y a pas d’autres alpinistes. Que des touristes! Ce que je définis comme un touriste, c’est une personne qui fait l’ascension de montagnes assistée par des cordes fixes. La personne fait donc l’ascension comme on se promène sur une via ferrata, deux protections sur la corde. Cette même personne est accompagnée d’un sherpa ou d’un guide (ou les deux!) qui prépare ses repas, monte sa tente et transporte son équipement d’un camp à l’autre. Ce service tout inclus sur l’Ama Dablam se paie jusqu’à 8 000 $. Attention, je n’ai rien contre ce style d’ascension; je le propose moi-même à mes clients pour l’Everest. À la différence qu’ici, sur l’Ama Dablam, nous ne pouvons pas accueillir autant de monde sans faire des dommages irréparables à l’environnement. Voici un triste constat de ce qui a été observé :
 
–      Les expéditions commerciales installent un camp de base avancé à 5 400 m. Pourtant, à cet endroit, il n’y a pas d’eau ni de neige. Afin de pouvoir servir le thé, le café et préparer les repas aux touristes, ils engagent de la main-d’œuvre pour transporter l’eau à dos d’hommes sur une distance de 8 km. Auparavant, ce camp n’existait pas puisque les alpinistes s’acclimatent sur d’autres sommets avoisinants pour ainsi passer directement du camp de base au camp 1.
–      Toute la portion du camp de base avancée jusqu’au camp 1 est un immense pierriers. De grandes dalles de roche permettent donc aux gens de cacher leurs déchets et de déféquer où bon leur semble.
–      Le camp 1 a une petite arête qui permet de recueillir de la neige. Par contre, d’année en année, cet amoncellement diminue rapidement et l’on se retrouvera très bientôt avec un autre camp sans neige.
–      Le camp 2 (6 000 m) ne peut accueillir que quatre tentes de 2-3 personnes, alors qu’il y a 150 touristes sur la montagne. Les équipes doivent donc réserver leur nuitée. J’ai vu des gens quitter parce qu’il n’y avait pas de place pour eux avant huit jours à ce camp.
–      De plus, le camp 2, de par sa petite taille est maintenant un dépotoir ainsi qu’une grande toilette à aire ouverte avec les odeurs que vous pouvez imaginer.
–      Depuis la chute d’un sérac en 2006, qui a tué six personnes au camp 3, un nouveau camp appelé camp 2.7 est né. Cet endroit ne peut accueillir que trois tentes. Nous retrouvons la même problématique qu’au camp 2. Croyez-le ou non, cette situation a pour effet de voir des gens installer un camp au même endroit où l’accident du sérac a eu lieu. Trois tentes abritent des touristes qui ne savent probablement pas qu’une épée de Damoclès est au-dessus de leur tête. Ce camp est aussi un dépotoir.

Des vies seront perdues. Je ne trouve rien d’autre que l’expression anglaise disaster waiting to happen. Tous les éléments sont en place pour une tragédie et personne n’y fait rien. Par exemple, entre le camp 1 et le camp 2, il y a cette section appelée Yellow Tower, un mur de 15 m avec une cotation de 5.8. Comme les touristes ne peuvent grimper du rocher, l’équipe de sherpas a installé une corde fixe pour enlever cette difficulté. Mais le problème demeure puisqu’il ne peut y avoir qu’une seule personne à la fois qui monte ou descend cette section. Lhakpa, le grand manitou au camp de base, celui qui coordonne les places disponibles dans les tentes aux camp 2, camp 2.7, camp 3, me disait qu’au plus fort de le saison, il y avait plus de 40 équipes et près de 400 personnes. Cela engendre jusqu’à 3 heures d’attente à ce mur. Imaginez le nombre de décès si une avalanche dévale la pente, si le mauvais temps arrive plus tôt que prévu ou si une situation médicale survient. Contrairement à l’Everest où la majorité des clients ont déjà travaillé avec des cordes fixes et des crampons, l’Ama Dablam accueille beaucoup de néophytes. Des touristes qui, advenant un pépin sur la montagne, ne sauraient quoi faire pour sauver leur peau.

Le gouvernement népalais devrait songer sérieusement à protéger l’environnement de ce joyau. Restreindre le nombre de permis tout en augmentant le prix de celui-ci serait une solution. Alors que la montagne et le plein air gagnent en popularité, des comportements doivent changer, des normes plus strictes doivent être mises en place. Le touriste d’aujourd’hui doit s’éduquer, se faire éduquer. Il doit se responsabiliser et respecter l’environnement. Il ne peut pas seulement prendre tout ce qu’un pays lui offre comme beauté, mais se doit de laisser le lieu plus propre qu’il ne l’était lors de son arrivée.

Durant ma journée de repos au camp 1, mes yeux se sont posés sur la voie menant au camp 2. J’ai vu au moins six situations qui auraient pu tourner en tragédie ou sauvetage. J’ai vu des sherpas et des guides très occupés cette journée-là. J’espère que le salaire et les pourboires sont à la hauteur des vies qu’ils ont sauvées aujourd’hui. C’est à ce moment que j’ai pris la décision de faire demi-tour. Mon objectif était une ascension alpine dans la plus pure tradition de nos pionniers (Bernard Mailhot, Jean-Pierre Danvoye, Philippe Pibarot, Jean-Pierre Gagnon), les seuls Québécois à avoir réussi, de façon autonome, ce sommet.

Plus tard en journée, mes deux compagnons sont arrivés au camp 1, exténués. L’un d’eux a eu un problème d’acclimatation qui l’a grandement affaibli et l’autre a craché ses poumons avec une bronchite. Au souper, je leur ai fait part de ma décision. Ils ont compris et accepté. Leur enthousiasme de se retrouver au camp 1, mêlé à la réalité que le sommet n’était plus une option, les a amenés à la décision d’aller visiter le mythique camp 2 avant de mettre un terme à leur expédition. Le lendemain matin, j’ai quitté le camp 1 avec près de 30 kg d’équipement et de déchets ramassés lors de ma journée de repos. Durant ma descente, je me suis promis de revenir, mais ce sera seulement lorsque cette Dame au Collier sera seule à contempler la beauté de la planète.

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