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Qui doit payer ? Partie 1 : L’analyse conceptuelle

Notre système économique contemporain se heurte à diverses crises sociales, écologiques et politiques. L'oignon que l'on pèle nous recentre continuellement sur de nouvelles problématiques, plus perverses les unes que les autres et souvent même imperceptibles. Cependant, la prédation progressive de notre système s'accompagne d'une transition paradigmatique fort intéressante ; le modèle néo-classique, qui avait rejeté les valeurs écologiques de son cadre d'analyse, se voit transiter vers une économie redéfinie, une économie de l'environnement. Or bon nombre de débats sociétaux déjà abordés, mais non résolus, marque ce début du XXIe siècle : Qui doit payer pour les dommages que l'homme impose à l'environnement ? Doit-on assurer des politiques à cet égard ? L'internalisation des coûts environnementaux est-elle une solution viable ? Penchons-nous de plus près sur ces questions.

Toute activité économique, qu'elle soit invoquée par la fabrication d'un bien ou l'offre d'un service, est habituellement tributaire d'une empreinte écologique importante. L'extraction et l'acquisition des ressources, la transformation en produits, la distribution, l'utilisation et, ultimement, la fin de vie d'un bien, fait acte de la pesanteur des impacts environnementaux. Mais plus encore, cette dégradation de l'environnement et les pollutions d'origines anthropiques qui y sont une cause élémentaire imposent des dangers énormes sur la qualité de vie et la santé des populations. C'est un sacrifice démesuré pour les collectivités, mais socialement accepté puisqu'une importante utilité découle de ces activités (emplois, salaire, indépendance économique, etc.). Ainsi donc, le calcul économique, qui se base d'une comparaison entre coûts et avantages (salaire des employés, prix des matières premières vs profit net pour l'entreprise par exemple) est remarquablement déficitaire, puisqu'il cadre son analyse à l'intérieur du marché seulement. Or, des coûts et des désavantages sociaux (pollution d'un cours d'eau ou de l'air par exemple) sont rejetés de son étude. On appelle ces coûts les «effets externes» ou «externalités». Il sera donc capital pour la fonction publique et privée, dans leur cadre d'analyse économique respectif, de tenir compte de la valeur écologique que représente la nature, préalablement inconsciemment délaissée par le modèle libéral. De là, l'objectif principal de cette nouvelle économie sera entre autres d'intégrer la valeur écosystémique de l'environnement dans son cadre analytique. Bien que la tâche soit d'apparence bien simple, la complexité qu'elle renferme impose une introspection rigoureuse.
 
Dans le contexte économique actuel, l'effet externe échappe au marché. Le bien-être d'un agent économique (producteur ou consommateur) sera affecté par un autre agent sans que les pertes ou les gains de bien-être en soient compensés monétairement. Il faut donc savoir qu'il existe des effets externes dits «positifs» et «négatifs». Dans la mesure où le contexte environnemental nous intéresse davantage, on s'attardera ici seulement aux effets externes «négatifs» (pour lire sur les effets externes «positifs», visitez la page http://fr.wikipedia.org/wiki/James_Meade#L.27externalit.C3.A9).
 
Prenons comme exemple une entreprise qui produit un bien X et cherche à maximiser son profit. Pour optimiser sa production, elle sera amenée à calculer les coûts qui seront subordonnés à la fabrication du bien X. Ainsi, les salaires des employés, les prix des matières premières et le capital qu'elle dispose par exemple, seront les variables étudiées. En ce sens, l'entreprise compense financièrement les acteurs qui sauront satisfaire sa production optimale. Mais qu'en est-il réellement si l'on regarde plus profondément le processus de production ? Outre l'extraction et l'acquisition de matières premières et la fabrication du bien X, qui seront incluses dans le cadre d'analyse économique des coûts et avantages, les rejets ou «extrants» qui seront libérés dans l'environnement naturel lors du processus de production seront, quant à eux, exclus de l'analyse, voire inexistants. Cette pollution, qui favorisera la dégradation de la qualité des cours d'eau environnants par exemple, sera un coût imposé à la collectivité qui ne sera pas compensé ; c'est ce qu'on appelle les «externalités». Dès lors, le coût social dépasse le coût privé ; l'effet externe est dit «négatif».
 
Les services de rejets des résidus que représentent l'eau et l'air par exemple n'ont aucune valeur marchande et c'est bien pourquoi l'économie traditionnelle opère sans tenir compte de ces variables. L'utilisation de ces services écosystémiques par les entreprises est destructrice sur l'échelle temporelle, puisqu'un écosystème ne peut tamponner les résidus de manière illimitée. En raison de leur gratuité, les services rendus par l'eau et l'air seront utiles aux entreprises jusqu'à ce qu'un modèle économique leur impose une valeur marchande réelle. Et même là, l'entreprise qui produit un bien X pourra tout de même, suite à ses calculs des coûts et avantages, continuer à polluer excessivement, ce qui démontre que l'environnement est un domaine où rien ne peut être résolu véritablement, et plus encore, où l'économie est une science sévèrement critiquée par plusieurs professionnels qui y œuvrent.
 
Mais n'ayez crainte, les économistes les plus doués ont déjà apporté plusieurs réponses. Je vous présenterai ces solutions la semaine prochaine dans la «Partie 2 : l'analyse solutionnaire».

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