Critique cinéma : « The Central Park Five »
Dans les années 1980, la ville de New York n'était pas pareille. Elle était plus violente, les rues étaient moins sûres et le niveau de criminalité plus élevé. Le documentaire « The Central Park Five » permet de revivre l'un des évènements les plus médiatisés de la fin des années 1980, alors que la tension raciale est à son comble : celui du viol et de l'agression d'une joggeuse par cinq adolescents noirs et hispaniques dans Central Park.
De faux aveux qu’ils vont regretter pendant longtemps
En 1989, la police fait la découverte d’une femme blanche dans la fin de la vingtaine gravement blessée et qui aurait été violée. Elle se trouve entre la vie et la mort dans Central Park. Peu de temps après, les autorités retrouvent les cinq présumés agresseurs, cinq adolescents noirs et hispaniques âgés de 14 à 16 ans, qui ne se trouvaient pas trop loin des lieux du crime. Le seul problème, c’est qu’ils sont innocents.
Les inspecteurs, pour faire mousser leur carrière et montrer à la population new-yorkaise que la police fait son travail, convainquent les jeunes de faire de faux aveux, leur indiquant au passage ce qu’ils doivent dire. Leurs aveux sont même enregistrés devant une caméra en présence d’une procureure.
Il est clair que les ados ont été manipulés. Les policiers se sont servis d’eux en leur promettant que s’ils faisaient ce qu’on leur disait de faire, ils pourraient rentrer à la maison. Naïfs et épuisés par les longues heures d’interrogatoire, ils ont fini par craquer. Qui aurait été capable de tenir tête aux policiers dans les mêmes circonstances?
Évidemment, leur calvaire ne fait que commencer. Peu temps après, la police fait une déclaration devant la presse déchaînée. Elle indique fièrement avoir capturé les auteurs de cet affreux crime. Les médias s’emparent immédiatement de l’affaire. Les cinq jeunes sont tout de suite présentés comme des monstres. Le milliardaire Donald Trump va même jusqu’à acheter une page entière dans un journal pour indiquer qu’il souhaite que l’on rétablisse la peine de mort.
Au procès, ils sont tous déclarés coupables, et ce, même si la seule preuve incriminante les concernant est leurs uniques aveux (souvent contradictoires) dont la crédibilité n’est pas très élevée. Aucune trace d’ADN n’a été retrouvée sur les vêtements de la victime et aucun témoin n’a vraiment vu ce qui est arrivé.
Il aura fallu que le vrai agresseur, un violeur en série, se fasse arrêter et se confesse pour que le nom de ces cinq jeunes soit blanchi. Le problème, c’est qu’ils ont passé plusieurs années derrière les barreaux depuis. Inutile de dire que cet évènement a complètement détruit leur vie.
Un documentaire bien réalisé
Sara Burns, David McMahon et Ken Burns, les réalisateurs de ce documentaire qui dure près de deux heures, ont évidemment eu recours au témoignage des cinq victimes du système, Raymond Santana, Yusef Salaam, Kevin Richardson, Korey Wise et Antron McCray (ce dernier ayant refusé d’être montré à la caméra pour protéger sa vie privée; on n’entend que sa voix). Maintenant dans la fin trentaine, on sent qu’ils sont encore perturbés, voire traumatisés, par ce qui leur est arrivé il y a de cela plus de 20 ans. Certaines séquences sont très émouvantes.
Les réalisateurs ont également interviewé plusieurs membres de leur famille, ainsi que des avocats, des journalistes, un membre du jury, un historien et d’autres professionnels. Étonnamment, aucun membre des forces de l’ordre n’a accepté de témoigner.
Le documentaire ne présente pas vraiment de reconstitution. Pour décrire ce qui s’est passé, on nous montre plutôt des images d’archives. On peut ainsi voir plusieurs extraits du témoignage de ces jeunes fait devant la police, ainsi que plusieurs articles de journaux.
Verdict
The Central Park Five a remporté plusieurs prix internationaux et on comprend bien pourquoi. Sans tomber dans le sensationnalisme, il raconte, avec une criante vérité, l’enfer qu’ont dû traverser ces adolescents. Les images d’archives ont été bien choisies et s’alternent bien avec les phases de témoignage. Étrangement, l’annonce de leur innocence a été bien moins couverte par les médias que le crime de 1989. Pourtant, ils ont été en partie responsables de ce lynchage public…
Cote : 4,5 étoiles sur 5
The Central Park Five est présenté en exclusivité au Cinéma du Parc dès le 22 mars 2013.