Le journal d’un récit fictif
(une histoire tirée de l’imaginaire de Bruno Laliberté)
brunolaliberte.com
Une disparition sur le chemin croche
3e partie
Julie, la « waitrisse », est venue ramasser la table. Elle a demandé au grand Binette : « Encore du café inspecteur? Pis je n’ai pas pu m’empêcher d’entendre votre parlotte avec M. l’curé; cé quoi le péché qu’il a fait Mac’Cord? »
« Pour le café, ça suffit, c’est l’adultère le péché; il n’y a qu’une femme qui puisse faire disparaître un homme ou bien le mari cocu qu’a découvert le pot aux roses, c’est une autre possibilité, mais les preuves sont encore trop superficielles. Il faut que je creuse encore, » a répondu l’inspecteur en brandissant, dans sa main droite, son calepin rouge.
« Vous avez d’l’air ben sûr » a dit Julie en quittant la table.
Y’a quitté le restaurant, en s’emmitouflant dans son grand « coat » pis en se parlant tu seul. La neige était tombée solide la dernière semaine que l’grand Binette à passé avec nous autres. « Les indices sont quelque part en dessous la neige, l’enquête est loin d’être fini! » a dit l’inspecteur son dernier soir parmi nous. Noël, pis Pâques, pis la St-Jean Baptiste ont passé sans nouvelles de l’enquête. Tout le village placotait, tous avaient leur p’tite idée; une légende se bâtissait autour de Félix Mac’Cord, le célibataire « courralleux de jupons » comme avait dit l’grand Binette. Pis l’histoire du curé avait aussi fait le tour du patelin, certains allaient jusqu'à ce que peut-être ce serait lui le coupable; parce qu'y l’on vu avoir des chicanes salées avec Mac’Cord, pis que le curé cé fait brasser d’a plomb. Le curé aurait même dit : « Félix Mac’Cord, un jour la damnation du ciel et tous les feux de l’enfer vont s’unir pour te faire payer ton sale caractère et tes péchés. » Je vous le jure, y tremblait d’une rage incontrôlable notre M. l’curé.
Cé juste avant que les feuilles viennent rouge, que la plus grande des surprises nous arrive; vla ti pas, qu’un matin de l’été des Indiens, arrive assied dans la boite d’un vieux « pick-up » Félix Mac’Cord barbu et tout délabré qui s’pointe sans avertir. Je n’ai jamais vu un village sortir si vite su la grande rue, on aurait cru qu’une grande parade passait. Chu tu suite rentrée au resto et j’ai dit à Julie d’rejoindre le grand Binette. Y’é arriver une heure et d’mi après, ben calme, mais y mâchait ses jujubes su un méchant temps. Encore en habit y cé approché de Mac’Cord, les deux se sont donné la main. Cé l’inspecteur qui a ouvert le bal :
«Vous revoir vivant est formidable, mais ça bousille toutes mes pistes et sachez que vous serez la première enquête qui m’a bafouée. Que c’est-il vraiment produit? »
«Même moi, je n’en reviens pas de mon histoire. J’allais, tout simplement, nourrir les chevreuils. Pour me réchauffer, j’ai bu une couple de rasades de whisky. Rendu dans le grand coche j’ai trébuché sur une racine et je me suis retrouvé tête première dans champs mousse verte derrière l’érable, vous savez là ou ça penche pas mal. Le sac de pommes m’est parti des mains ; pis c’est à ce moment-là que le plus bizarre est arrivé. Au lieu d'me fracasser la tête au sol…
À suivre