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Controverse : Le sexe a-t-il servi à une créatrice de jeux?

Le monde du journalisme en jeux vidéo est spécialement mis à rude épreuve depuis quelques années. À preuve, on encadre souvent de guillemets le mot « journaliste » lorsqu’on parle de ces personnes dédiées à la couverture des jeux vidéo, question de jeter une ombre sur leur expertise. Or, récemment, une situation n’a fait qu’amplifier le scepticisme envers ceux livrant des opinions sur les jeux vidéo. Pourquoi? Tout simplement parce qu’on aurait tenté d’acheter de la publicité et de bonnes notes contre du sexe!

Qu’est-ce que le Quinnspiracy?

Peut-être n’avez-vous jamais entendu parler de ce scandale, que l’on désigne sous le nom satirique de Quinnspiracy. Si vous le permettez, rappelons brièvement les faits.

Le 4 décembre 2013, la conceptrice indépendante Zoe Quinn soumet un jeu intitulé Depression Quest au programme Steam Greenlight afin qu’il puisse être vendu sur la populaire plate-forme en ligne de Valve. Le sujet du jeu est assez particulier puisque Quinn désire y parler de la dépression dans le but de sensibiliser les joueurs à la réalité que doivent affronter ceux aux prises avec cette difficulté mentale.

Le 12 décembre, Quinn publie plusieurs messages sur Twitter en se plaignant d’avoir été la cible de harcèlement de la part d’utilisateurs provenant de 4chan et des forums Wizardchan. La jeune femme mentionne aussi qu’on a menacé de la violer, tout cela parce qu’elle a simplement soumis son projet sur Steam Greenlight. Or, en avril dernier, Wizardchan s’est défendu à l’aide de plusieurs images démontrant que Quinn n’a aucunement été la cible d’attaques de la part de ses membres. Quant à 4chan, ses membres ont nié les allégations de la conceptrice alors qu’ils ont plutôt l’habitude de revendiquer leurs attaques.

Le 11 août 2014, le jeu est approuvé puis lancé sur Steam. Or, ce qui devait être une source de réjouissance se transforma rapidement en scandale. En effet, le 16 août, Eron Gjoni, ancien conjoint de Quinn, lance un blogue mentionnant que la jeune femme l’a trompé avec pas moins de cinq hommes. En guise de preuves, Gjoni accompagne ses messages de photos. En quoi cela concerne-t-il les joueurs? Eh bien, parmi les hommes qui auraient partagé la couchette de Quinn se trouveraient plusieurs personnes de l’industrie du jeu vidéo, dont Nathan Grayson, un journaliste des populaires sites Kotaku et Rock, Paper, Shotgun. Il n’en fallait pas plus pour qu’on cible Quinn comme étant une femme ayant demandé de la publicité et même des notes positives pour que son jeu soit accepté sur Steam en échange de faveurs sexuelles!

Une histoire inventée?

Les suspicions envers Quinn ne se sont pas arrêtées là. Effectivement, le 17 août, MannoSlimmins de Redditor publie une série d’images afin de démontrer que la productrice a inventé de toutes pièces le harcèlement dont elle s’est dite victime de la part de Wizardchan. En se désignant comme victime, Quinn aurait ainsi voulu s’attirer la pitié du public et mousser la popularité de Depression Quest. Pire, le même jour, un utilisateur de Tumblr publie un message mentionnant qu’en plus d’avoir inventé le harcèlement dont elle s’est dite la cible, Quinn s’est servie du suicide de l’acteur Robin Williams pour populariser davantage son projet.

Le lendemain, une vidéo apparaît sur YouTube afin de dénoncer l’attitude de Quinn. Son créateur accuse Quinn d’avoir utilisé le sexe pour influencer des journalistes et de s’être victimisée pour recevoir des dons ainsi que du soutien pour son jeu. Selon la vidéo (visible ci-dessous), Quinn aurait délibérément couché avec cinq hommes ayant des positions influentes dans l’industrie du jeu vidéo ou encore dans la presse spécialisée.

Très rapidement, beaucoup d’Internautes (notamment sur les forums du magazine The Escapist) dénoncent non seulement l’attitude de Quinn, mais aussi le mutisme des journalistes. Comment se fait-il que ce scandale n’ait pas été évoqué plus tôt au sein des médias? Pourquoi n’a-t-il été connu que d’une poignée de personnes faisant partie de regroupements plus ou moins connus sur la Toile? Certains ont-ils délibérément fermé les yeux ou bien ont-ils accepté les avances de Quinn en échange de leur silence?

Les principaux acteurs sont demeurés muets jusqu’à ce que la pression les ait obligés à sortir sur la place publique.

La contre-attaque de Quinn, Kotaku et Phil Fish!

Le 17 août, le coloré Phil Fish a jeté son grain de sel dans le scandale, lui qui n’en est pas à sa première controverse. Il a soutenu Quinn dans des messages publiés sur Twitter et a mentionné que ceux qui s’en prenaient à elle étaient des lâches. Pire, il les a comparés à des violeurs dans un message (qu’il a rapidement supprimé) et a indiqué qu’il annulait tous ses projets en raison du traitement réservé à la développeuse. Bref, une autre raison évoquée par Fish pour quitter l’industrie, lui qui semble croire que se victimiser et créer des polémiques lui seront d’une quelconque utilité.

Le 19 août, Quinn publie un long message sur son blogue Tumblr afin de s’expliquer sur toute cette situation. Elle se décrit comme étant une victime de la jalousie de son ancien conjoint, qui n’a pas accepté leur rupture. Elle affirme que sa vie privée fut injustement étalée sur la place publique et que cela n’avait rien à voir avec le jeu vidéo. Elle dénonce aussi le traitement qu’elle a reçu en tant que femme puisque, selon elle, le fait d’avoir réussi dans une industrie dominée par les hommes a aidé à provoquer tous ces mauvais traitements.

La crédibilité de la femme fortement remise en question, le site Kotaku n’a également eu d’autre choix que d’émettre un communiqué. En outre, le rédacteur en chef du portail, Stephen Totilo, a déclaré qu’il avait une confiance aveugle envers son journaliste Nathan Grayson. Selon Totilo, Kotaku n’a trouvé aucune preuve soutenant les allégations de corruption envers Grayson. Il a ajouté qu’un seul article concernant Quinn fut écrit par le journaliste et que la relation entre Grayson et Quinn n’a débuté qu’après la publication de la chronique. Malgré tout, les preuves émises par l’ancien conjoint de Quinn continuent de peser sur Grayson et sa démission est toujours réclamée de la part de plusieurs personnes consultant Kotaku.

Vrai ou faux scandale? Et qui blâmer?

Comme je vous le mentionnais dans une précédente chronique, le jeu vidéo n’en est pas à son premier scandale. Et comme pour n’importe quelle controverse, la part de vérité et de mensonge est difficile à établir. Oui, les preuves contre Quinn s’accumulent et plusieurs personnes ont trouvé des incohérences dans le discours de la jeune femme. Or, Quinn a-t-elle réellement offert des faveurs sexuelles à des personnes de l’industrie? Et si oui, à quel point cela a-t-il influencé la popularité de son jeu?

Si le scandale est réel, Quinn n’est toutefois pas la seule personne qui devrait être amenée au bûcher. Oui (toujours si les faits sont véridiques), l’attitude de la jeune femme est déplorable, voire ignoble. Cependant, quand elle affirme qu’on s’en prend davantage à elle qu’à d’autres acteurs de l’histoire, elle n’a pas tort. Qu’elle dise que c’est parce qu’elle est une femme, c’est discutable, mais qu’elle dénonce qu’on s’en prenne uniquement à elle, je dois lui donner raison.

Voyez-vous, ceux avec qui elle aurait partagé des fluides corporels sont aussi, sinon plus, coupables qu’elle. S’il y a effectivement eu échange de faveurs sexuelles contre de la publicité ou du silence, ceux en étant responsables ont également contrevenu à leur professionnalisme et sont encore plus à blâmer pour cela. Pire, ils ont éclaboussé d’une encre noire et visqueuse la crédibilité de leurs collègues. Pour ma part, si des journalistes ont couché avec Quinn et qu’ils ont accepté de lui donner une vitrine ou de bonnes notes pour son jeu alors que ce dernier ne les aurait pas eues autrement, alors c’est ma crédibilité en tant que journaliste qui est aussi entachée. Comment convaincre les lecteurs et auditeurs de notre objectivité s’ils voient qu’il est aussi facile d’acheter ceux censés les renseigner?

Des pots de vin, des cadeaux et des promesses de partenariats alléchants en échange de bons commentaires sur un produit, j’en ai vus depuis que j’ai commencé à écrire sur le jeu vidéo il y a plus de 16 ans. On m’a plusieurs fois approché et même menacé pour que je vende un jeu à la qualité plus que douteuse. Pourtant, jamais je n’ai flanché, tout simplement parce que ma crédibilité n’a pas de prix, et ce, qu’on me promette des faveurs en haut ou en bas de la ceinture.

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